il y a point deux prusses pareils
à la côte ils poussont tordus
comme des vieux ou des malades
leurs bras et leurs doigts comme une neuve symétrie
c’est la religion des saisons qui fait ça
on leur donne des noms mais chaque hiver a sa tempête
des neuves morts
des neufs mals
chaque printemps sa façon de braquer
ancrés à la terre
les prusses vivont les humeurs du vent et du sel
ils changeont pour le nord ou pour le sud
sans changer de place ni vraiment d’attitude
l’attitude c’est ça qui fait la différence entre les prusses
c’est ça qui fait qu’on veut jouer
sous un prusse pis point l’autre
ils avont tout chaque leur attitude
leur manière d’affronter le vent
pis c’est ça
la manière d’affronter le vent
sa misère et sa tendresse
qui nous attire sous un pis point l’autre
l’attitude c’est la différence
entre la voix de ma mère
et celle-là de la Vieille d’à côté
une voix qui se laisse emporter
et une voix qu’a peur du vent
On compare l’attitude qui rend chaque humain unique à des arbres qui poussent tordus.
1. Est-ce que l’on peut deviner facilement de quelle région du Canada est issu ce texte ? Pourquoi ?
2. En regardant dans des dictionnaires de mots acadiens en ligne, cherchez le mot prusse et retracez son étymologie. Pourquoi l’arbre dont il est question ici n’a pas la même nom qu’en français international ? Ces ressources en ligne pourront vous aider : Musée acadien de l'Île-du-Prince-Édouard, Glossaire acadien.
3. « l’attitude c’est ça qui fait la différence entre les prusses » Peut-on voir, dans les prusses, une métaphore de l’histoire de l’Acadie, de la déportation, de la langue française qui y survit ? Expliquez.
4. D’après vous, pourquoi le poème se termine-t-il sur l’image comparée de la mère et de la Vieille ?
5. Quelques mots, comme prusse, attitude et vent sont répétés à plusieurs reprises dans le texte. Essayez d’interpréter chaque mot répété de façon différente en variant le ton, l’intention, l’intensité, la projection de chacune de ces répétitions. Expérimentez les différentes possibilités et observez si cela change le sens et l’interprétation du texte.
Activité d’écriture
Dans ce poème, on compare le développement de la nature, des prusses plus précisément, au développement de l’individualité. Illustrez par un texte le développement de l’humain, en parallèle avec le cycle de vie d’une plante ou d’un arbre que vous aimez.
Liens utiles
Vocalités vivantes : Georgette Leblanc, poète du vivant à Pointe-de-l’Église
Extrait de « dehors » lu par Georgette Leblanc :
Leblanc, Georgette, « Dehors », Alma, Moncton, Éditions Perce-neige, 2006.